Il est l’un des derniers orfèvres de Paris. C’est dans une arrière cour du 3ème arrondissement que Jean-Pierre Cottet-Dubreuil, propriétaire de Richard Orfèvre, reçoit Luxurydesign pour parler du vrai luxe et du métier d’orfèvre au 21ème siècle…
Tout jeune, Jean-Pierre Cottet-Dubreuil avait un attrait pour les objets en métal et l’univers de l’orfèvrerie. Il se passionnait, alors, à ranger les couverts par modèles, poinçons, formes … et passait son temps à parcourir les expositions et les boutiques liées à l’Art de la Table. Après un bac en économie, il passe un concours d’entrée de l’école syndicale de la Rue du Louvre. Après 3 ans de formation, il travaille chez Christofle, rue Royale. Il a pu y apprendre la mise en valeur des produits et la fabrication de ceux-ci.
Après l’obtention de deux CAP (bijoutier et orfèvrerie), l’ex-étudiant passe un entretien chez Richard Orfèvre, une maison fondée en 1910 par Edmond Ricard. Il est alors embauché par Francis Régala. Dès lors, il est formé au métier durant 10 ans aux côtés de Monsieur Régala et sa femme. Après des prises d’initiatives de plus en plus conséquentes sur la pérennité de la Maison et le départ en retraite des propriétaires, Jean-Pierre Cottet-Dubreuil rachète l’atelier.
De par son investissement depuis une dizaine d’années au sein de cette maison historique, la transition se fait sans mal… Pour dynamiser l’entreprise, l’homme engage l’architecte Grégory Monier. Ce dernier retravaille l’espace et apporte une touche contemporaine à cet atelier niché dans une arrière cour du 3ème arrondissement. Ainsi, en entrant dans l’univers de Richard Orfèvre, le visiteur découvre alors un univers dans lequel la luminosité s’infiltre par de grandes baies vitrées. Dans les vastes volumes, une atmosphère sereine se dégage et offre un joli décor mettant en valeur des meubles réalisés sur-mesure pour cette nouvelle étape de la Maison. Sur les discrètes étagères, les dorures et l’argent des créations modernes ou plus traditionnelles ont une place de choix tandis que dans une imposante table en chêne se cachent des collections de couverts réalisées dans l’atelier jouxtant ce magasin. Au sol, un parquet en Point de Hongrie fait écho aux boiseries anciennes des murs mais au passé de la Maison.
L’évolution d’un travail traditionnel
Dès la reprise, Jean-Pierre Cottet-Dubreuil engage des collaborations avec des artistes et des designers comme Serge Bensimon, Ruth Gurvich, les 5.5 Designers, Franck Sorbier et Non Sans Raison. Le but étant de bousculer les classiques, ils revisitent les objets traditionnels avec notamment la coupe Eclipse en laiton argenté et intérieur plaqué or, le plateau carafe en laiton argenté, le centre de table Bermude dessiné par Jean-Sébastien Poncet ou encore l’original service de couverts Lingots imaginé par Grégory Monier. Fort d’un certain esprit de persuasion, le jeune propriétaire arrive à séduire sa clientèle avec un design moderne ou contemporain. Il confie – sur le ton de plaisanterie – que souvent, ceux qui souhaitent des collections traditionnelles sont généralement des jeunes générations contrairement à ce que nous pourrions penser.



Richard Orfèvre, le fruit de la persévérance
Dans un milieu dominé par des groupes à gros budgets, peu d’orfèvres ont résisté à la tempête. Dans un marché fragile dominé par Puiforcat, Bernardaud, Ercuis, Christofle – Maisons appartenant à de grands noms de l’industrie du luxe – Richard Orfèvre reste l’un des derniers survivants. Son succès est dû à la possibilité de faire faire un objet pour soi, à la main, en France et avec des outils issus du siècle passé et d’une tradition séculaire.


Alors comment Richard Orfèvre a réussi à séduire la clientèle étrangère ? Tout simplement parce que les clients entrant dans la boutique peuvent encore comprendre les différentes étapes de fabrication grâce à l’atelier situé à côté de la boutique et dans lequel les artisans transforment le lingot d’argent en un objet personnel. L’expérience, le savoir-faire et le bouche à oreille transportent Richard Orfèvre jusqu’au Cambodge, en Russie ou encore au Moyen-Orient … Là-bas, comme à l’époque des grandes cours, les pièces des ateliers Richard Orfèvre garnissent les tables ressemblant parfois à des décors d’apparat !

Si pour beaucoup de clients nécessitant de montrer leur positionnement social, le luxe se définit par l’acquisition de biens issus des marques LVMH, pour les clients de Richard Orfèvre viennent rechercher un véritable objet de luxe issu d’un certain savoir-faire haut de gamme et d’une véritable écoute des besoins.

Richard Orfèvre, la générosité d’une équipe
La plus value, en plus de la modernité et de la capacité à accomplir des collections plus traditionnelles, Jean-Pierre Cottet-Dubreuil ouvre la porte de son atelier à ses clients. On y découvre alors les hommes et les femmes qui allongent un lingot forgé qui sera ensuite placé entre deux matrices en acier gravées au dessin du modèle souhaité.
Sous une pression variant entre 120 et 140 tonnes de la presse à balancier datant de 1904, et via l’estampage, le décor et le galbe du couvert se dessine... L’objet encore brut est ébarbé (allégée de son excédent de matière) et les contours sont meulés. Les dents des fourchettes se dessinent peu à peu grâce au passage de la meule.
Après le ponçage et l’application de deux poinçons (poinçons de maître et poinçon de titre), le client/visiteur découvre ses pièces réalisées sur place en argent massif…
Ce qu’on retient finalement de cette rencontre avec Jean-Pierre Cottet-Dubreuil est le fait que l’homme s’attache à donner du sens au mot « luxe » en travaillant avec des entreprises locales et françaises pour l’ensemble de ses supports, à poursuivre la tradition du savoir-faire d’antan de son atelier et à démontrer que l’orfèvrerie ne se limite pas au service de famille traditionnel ou aux objets d’antan.